Lorsque nous sommes arrivées en Inde, nous nous sommes promenées dans un quartier jeune et branché de New Delhi, Saket. Au fil de notre balade, nous sommes entrées dans une boutique et notre attention s’est rapidement posée sur de belles écharpes et des vêtements au touché irréprochable. L’œil avisé de Chloé n’a pas tardé à reconnaître une teinture végétale. L’étiquette nous promettait du filage traditionnel, du tissage à la main et de la teinture végétale dans les montagnes de l’Himalaya dans un but de durabilité et d’empowerment local. Parfait. Après l’effervescence de la capitale, nous n’aspirions qu’à une chose : respirer l’air frais des montagnes. Un simple échange de mails et nous étions attendues quelques semaines pus tard chez Avani. Et ce que nous avons découvert dans cette communauté a de loin dépassé nos espérances.
Une communauté isolée dans les montagnes
Nous avions rendez-vous chez Avani après notre rencontre avec KKM. Les deux organisations sont dans le même état, l’Uttarakand. Nous étions donc sûres de ne pas avoir de mal à rejoindre le campus d’Avani. Mais c’était sans compter les distances indiennes. Après une journée de train, nous sommes montées dans une jeep pour un trajet de sept heures. Plus le temps passait, plus nous nous enfoncions dans les montagnes.
Lorsque nous arrivons chez Avani, la vue est à couper le souffle. La chaîne de l’Himalaya s’offre à nous dans toute sa splendeur. C’est magnifique, mais une chose est sûre, cet endroit est très isolé. C’est d’ailleurs ce qui a fait naître le projet en 1999.
Les villages aux alentours sont trop isolés pour être connectés à l’électricité. Alors les fondateurs d’Avani commencent à équiper les hameaux de panneaux solaires pour leur permettre d’être autonomes en énergie. Mais pour ces familles, la seule source de revenus étant leur petite ferme, les moyens manquent pour payer pour ces équipements et elles ont besoin d’une nouvelle activité pour survire. Rapidement, Avani découvre dans ces villages un savoir-faire traditionnel immense dans le textile et dans l’agriculture qui lui est liée (coton, chanvre, plantes tinctoriales…). Se met alors en place un système qui profite à tous.
Aujourd’hui, Avani se compose de plusieurs sites. Il y un campus principal où se concentrent l’administration, l’activité de teinture végétale, une partie de la production d’énergie et de maintenance des équipements, et le développement de nouvelles technologies durables. Et il y a de nombreux centres textiles dans les villages alentours où les villageois.es filent, tissent, tricotent et rassemblent les productions agricoles. Nous avons eu l’occasion de découvrir le premier centre de tissage qui a vu le jour en 2000 à Digoli.
Une autonomie durable grâce à des systèmes ingénieux
Bien que l’activité principale d’Avani soit le textile, avec les cultures du coton, de la soie, de la laine puis le filage, le tissage, la teinture et la couture, sur le campus, les innovations n’ont pas cessé afin de rendre le lieu autonome intégralement. En effet, la situation géographique rendait cette autonomisation indispensable, mais plus que cela, les fondateurs d’Avani savaient qu’ils pouvaient créer un cercle vertueux en réussissant cet exploit.
Ainsi, sur le campus où vivent une trentaine de personnes, des panneaux solaires fournissent de l’électricité à tous les bâtiments et chauffent l’eau pour les douches et la cuisine. L’eau est récupérée pendant la saison des pluies, et une fois filtrée elle sert pour les 8 mois suivants, pour la cuisine, les douches, l’eau courante, la teinture… Mais comme cette eau de pluie ne suffisait pas pour irriguer en plus le potager du campus qui fournit tous les légumes cuisinés sur place, un système de récupération des eaux usées à été mis en place pour les plantations et les quelques vaches. Ces eaux usées sont filtrées à travers un ingénieux système de bassins remplis de fibres de coco, de sable, de charbon et de quelques plantes semi-aquatiques. Ainsi, le campus peut être autonome en eau, en énergie et en nourriture la majeure partie de l’année.
Mais ils ne se sont pas arrêtés là. Durant la saison sèche dans cette région montagneuse, les aiguilles de pins forment un tapis hautement inflammable sur le sol, provoquant souvent de graves incendies. Afin d’éviter ces désastres, Avani a commencé à organiser de grandes récoltes d’épines de pin dans tous les villages du réseaux. Accumulant des montagnes d’épines, Avani a ensuite travaillé avec des ingénieurs pour valoriser ce matériau végétal. Ils ont alors inventé une machine permettant de transformer ces innombrables épines de pin en énergie ! Ils ont créé de l’électricité avec ce tapis inflammable ! Aujourd’hui, les villageois qui récoltent les épines de pin sont payés et ainsi, le campus produit de l’électricité pour les mille villages du réseau. Leur production d’énergie est si grande qu’ils vendent le surplus au gouvernement indien !
Une production suivant les mêmes valeurs
Ce sont bien les foulards croisés en boutiques qui nous ont emmené dans ce village. Leur toucher et leurs couleurs nous avaient déjà séduites à Delhi, et en entrant dans le stock de l’organisation nous n’avons pas changé d’avis…
Leur projet texile, à l’image du reste de leurs activités, est réfléchi selon une logique de durabilité intégrale. Ils réalisent toute la fabrication, de la production de la fibre jusqu’aux finitions des franges. Le réseaux comptant de nombreux villages éparpillés dans les montagnes voisines, les ateliers sont divisés sur ces différents lieux de productions et les étapes sont ainsi divisées entre les villages. Certains s’occupent de produire les fibres textiles, en élevant des moutons, des vers à soie ou en cultivant du lin par exemple. D’autres filent ces fibres, qui sont ensuite teintes sur le campus principal pour être par la suite tissées, puis confectionnées en vêtements ou en foulards par d’autres.
Les plantes utilisées pour la teinture sont également produites dans les villages. Ils utilisent des oeillets d’Inde, du myrobolan, des feuilles de thé, du bois issus d’arbres indigènes et de la garance, qu’ils ont rapidement pu faire pousser sur leurs terrains dans les montagnes. Le challenge s’est porté sur la production de l’indigo. Au début de leur activité, ils se fournissaient en plante à indigo dans le sud de l’Inde – ce qui est déjà de l’ordre de la proximité quand on compare aux grosses industries qui font voyager leurs produits plusieurs fois des milliers de kilomètres avant d’arriver en magasin… Mais ça ne suffisait pas pour Avani, bien évidemment ; ils avaient à coeur de produire leurs propres plantes à indigo dans leurs villages. Alors, ils se sont essayés à la plantation de ces plantes dans la montagne, du jamais vu ! Et l’audace et la persévérance ont porté leurs fruits. Après trois ans, les rendements sont devenus satisfaisants. Aujourd’hui, les fermiers des villages du réseaux cultivent trois plantes à indigo, puis extraient l’indigo et l’acheminent jusqu’aux ateliers de teinture.
Cherchant toujours plus loin dans le potentiel des plantes, Avani agrandi sa production hors du textile. Les artisans créent aujourd’hui des crayons gras entièrement végétaux, avec de la cire et des pigments issus de plantes tinctoriales. Et ils vendent également de la lessive et du savon produits avec le fruit d’un arbre indigène des montagnes. Leurs expérimentations continuent et nous y sentons beaucoup de beaux projets encore à venir !
Un système qui améliore le cadre de vie des paysans
Avani est aujourd’hui une institution dans la région, il suffit d’évoquer l’organisation dans la jeep-taxi pour s’en rendre compte. En effet, elle permet depuis vingt ans à de nombreux villageois d’avoir une source de revenus régulière en créant un réel bassin d’emploi. Les secteurs d’activités étant multiples, tous peuvent y trouver leur compte : agriculture, textile, mécanique… Et il n’y a pas besoin de quitter sa famille en allant chercher un emploi dans une grande ville. Si le textile, l’activité principale, ne permet pas à l’organisation de fournir un réel emploi à toute la population du coin, ils ont à coeur de permettre à tous de pouvoir récolter les épines de pins contre rémunération.
Nous avons été frappées de voir que malgré l’isolement géographique, encore beaucoup de jeunes viennent travailler pour Avani, qu’il s’agisse des jeunes des villages alentours ou des jeunes citadins attirés par le projet. Cela nous a montré à quel point un projet global comme celui-ci était actuel et prometteur.
Christèle tibulle
Bravo les filles ! Votre article est super intéressant ! Quelle leçon ce projet ! Comme vous dites très inspirant !
Louna
Merci beaucoup ! On est contentes que ça puisse inspirer d’autres que nous 😉
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