Afrika Tiss, réunir des femmes autour du textile – Burkina Faso

Pour notre dernière semaine au Burkina Faso, nous avions organisé depuis longtemps un rendez-vous avec Afrika Tiss. Le moment venu, nous quittons donc le centre de Ouagadougou pour nous éloigner un peu en direction du quartier de Pissy. Après une petite heure de route, notre taxi s’engage sur un chemin en terre et nous dépose devant un mur où s’étalent de grosses lettres colorées ; AFRIKA TISS. Nous sommes arrivées.
Nous entrons et découvrons une cour ombragée où s’affairent une quinzaine de femmes autour de grands métiers à tisser. On nous accueille et on nous désigne nos deux chambres. Nous logerons le reste de la semaine au cœur du centre de formation et de tissage.

Un dialogue entre la France et le Burkina

Afrkia Tiss c’est deux associations, Afrika Tiss France et Afrika Tiss Burkina Faso, ainsi qu’une marque, Tiss&Tik, qui permet de revendre les produits confectionnés au centre. Lorsque l’on demande la raison pour laquelle tant de statuts différents ont été créés, la réponse de Nazaire, le président de l’association africaine, est très claire : c’est beaucoup plus simple de fonctionner ainsi. Ils peuvent bénéficier des avantages de chaque statut et ce dans chaque pays.
Aujourd’hui, Mariette, la fondatrice, est en France aux Grands Voisins et fait souvent l’aller-retour, mais elle sait qu’elle peut compter sur l’équipe qui fait fonctionner le centre sur place.

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Un centre de formation et un atelier de tissage qui réunissent les femmes

Nous prenons petit à petit nos marques au milieu des tisserandes qui suivent une formation à ce moment-là. La cour est encerclée par six grands métiers à tisser autour desquels les quinze femmes s’entraînent. Celles qui parlent français nous expliquent avec un accent chantant qu’elles ont toutes commencé le tissage bien avant la naissance d’Afrika Tiss, formées par leur mère, une tante ou une voisine. Avant, elles travaillaient sur des petits métiers chez elles, au bon vouloir des commandes. Aujourd’hui, elles combinent les productions au centre à leur productions personnelles. Mais leur emploi ici est une réelle opportunité de sortir du cercle familial, de se déplacer et de retrouver du monde extérieur. « Quand je sors, on dit que je vais au travail. » nous confie l’une d’entre elles, d’un sourire éclatant. « Et puis à deux ou plus, c’est plus facile de régler un problème que quand on est seule chez nous ! » Afrika Tiss leur a permis de développer des relations sociales. Elles aiment venir au centre pour travailler et se retrouver. D’ailleurs, on le sent bien ! Malgré la formation en cours et les quelques moments studieux, les éclats de rire et les radios chantent toute la journée.

Pendant ce temps, les enfants qui n’ont pas encore l’âge de partir à l’école jouent au milieu des fils et des bobines. Les tisserandes sont fières de nous parler de leurs enfants, elles en ont toutes plusieurs et grâce au salaire versé par l’association toutes les deux semaines, ils vont tous à l’école. Certains parmi les plus grands vont même à l’université. Mais pour autant les traditions ne se perdent pas ! Les filles comme les garçons ont parfois le droit à leur cours de tissage et aident les mamans à tisser à la maison.

Les enfants apprennent et les mamans continuent de se perfectionner. Afrika Tiss propose très régulièrement des formations tant aux tisserandes qu’aux couturières. Perfectionnement sur les grands métiers, apprentissages de nouveaux motifs, teinture, alphabétisation et cours de français, le spectre des formations est large.

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Design for Peace, un projet en dehors des murs

En 2015, le Haut Comité des Réfugiés des Nations Unis a lancé un projet avec Afrika Tiss, Design for peace. Les artisans Touaregs, réfugiés maliens, vivant dans des camps dans le nord du Burkina Faso font partie de l’aventure. Le projet s’est développé en unissant ces artisans à des designers parisiens, pour élaborer ensemble une collection d’objets. Ce sont des bijoux, des vases, des boîtes et autres objets pour la maison qui mettent en valeur leur savoir-faire traditionnel très pointu. « Certains me disent qu’ils sont ignorants parce qu’ils ne sont pas allés à l’école. Mais moi je leur dis qu’ils sont des ingénieurs ! Le savoir-faire qu’ils ont est un trésor de connaissances ! » nous dit Toussaint, qui coordonne le projet. Les artisans manient avec virtuosité le cuir et le bronze.

Certains ont pu venir jusqu’à Ougadougou et travaillent aujourd’hui au Village Artisanal où ils peuvent faire des démonstrations et vendre à des clients en dehors de la boucle Afrika Tiss. Les autres continuent de mener leur vie de touaregs sur les camps. Ils travaillent pour les commandes qu’Afrika Tiss leur envoie. Ce projet leur permet de valoriser leur savoir-faire, et de leur créer un revenu.

3 Responses

  1. Stéphane Stenger

    Bon, là ça ne sent plus le tourisme… ça sent le rendez-vous, attendu, entre passionnées du tissages, françaises et africaines ; une rencontre clé du grand voyage.
    Quelles belles rencontres !
    Ca donne une idée plus incarnée de ce que veut dire les étiquettes « équitable ». Et pas un blanc ! des hommes qui pensent aux femmes, des femmes qui pensent aux femmes, des burkinabés qui pensent aux maliens… on est loin de la françafrique !
    Super vidéo.
    Bravo aux deux nassara !

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